L’hébergement d’urgence des personnes sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale incombe en principe à l’Etat. Il assure notamment à ce titre un dispositif de veille sociale chargé de recenser les places d’hébergement disponibles, de gérer les appels au 115 et d’orienter les intéressés vers un lieu d’hébergement.
Face à la saturation permanente des dispositifs gérés par les services de l’Etat, le centre communal d’action sociale de la ville de Bordeaux (CCAS) a décidé de mettre en place de décembre 2020 à juin 2021, une salle destinée à accueillir la nuit des personnes sans abri et, il a assuré en 2022 et 2023 l’hébergement en hôtel de personnes et familles relevant selon lui des critères définis à l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles nécessitant un hébergement d’urgence.
Le CCAS a ensuite sollicité le remboursement auprès de l’Etat des frais qu’il a engagés, sur le fondement de la carence fautive de ce dernier à assurer sa compétence en matière d’hébergement d’urgence. A défaut de réponse de l’Etat, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d’un recours tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 125 457,74 euros correspondant aux frais liés à l’aménagement de la salle Gouffrand et aux nuitées d’hôtel.
Le tribunal a d’abord estimé que la possibilité ouverte au CCAS par les dispositions de l’article L. 123-5 du code de l’action sociale et des familles d’exercer une compétence d’hébergement d’urgence des personnes et familles en difficulté ou en situation de détresse revêtait un caractère supplétif et ne lui imposait pas de prendre définitivement à sa charge des dépenses incombant dans ce domaine à l’État. Il juge ainsi le CCAS fondé à rechercher la responsabilité de l’Etat en raison de sa propre prise en charge de personnes relevant de l’hébergement d’urgence.
Le tribunal a ensuite examiné si le CCAS de Bordeaux démontrait en l’espèce la carence avérée et prolongée de l’Etat à accomplir cette mission d’hébergement d’urgence.
Il a considéré que cette preuve n’était pas suffisamment rapportée pour les dépenses engagées pour l’aménagement de la salle Gouffrand et qu’elle ne l’était qu’en partie, pour les nuitées d’hôtel payées en 2022 et 2023, en retenant que la carence de l’Etat pouvait être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme prolongée au-delà d’une durée d’hébergement d’un mois.
Il a ainsi condamné l’Etat au paiement au CCAS de la somme totale de 8 537,82 euros, correspondant au cout des nuitées pour un couple hébergé à l’hôtel en 2022, ainsi qu’une famille et deux personnes pour l’année 2023, déduction faite des frais liés à leur premier mois d’hébergement.
Jugement n° 2401226, 4 novembre 2025, centre communal d’action sociale de la ville de Bordeaux